Comité Régional Dauphiné-Savoie de Scrabble®

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Année 2015

Chpts du Monde FrancophonesJean-Pierre Brelle08/08/15

Nigel Richards : jouons-nous au même jeu ?

Si vous proposez à un joueur de haut niveau le tirage AEIMNOTY, il est fort probable qu'il vous répondra du tac au tac MYATONIE, là où le joueur moyen construira patiemment MOYAIENT. Et l'un comme l'autre sera peut-être bien en peine de fournir la définition du mot qu'il a joué...

Examinons d'abord la démarche de notre champion (point de hauts cris, mesdames, c'est là comme dans tout cet article un masculin générique totalement asexué). Il serait présomptueux de vouloir décrypter à coup sûr le fonctionnement de son cerveau, mais on peut penser qu'il a « photographié » le mot MYATONIE et que la simple évocation de ces huit lettres dans un autre ordre a immédiatement établi une connexion vers cette image. C'est un peu comme si on vous présentait une image de la tour Eiffel coupée en huit, vous l'identifieriez et remettriez les morceaux dans l'ordre sans difficulté. Autrement dit, le fait qu'il s'agisse d'un mot de la langue française est totalement accessoire dans le processus : c'est simplement une des images autorisées dans le jeu.

Voyons maintenant le second de ces scrabbleurs. Comme il connaît bien ses conjugaisons, il a repéré dans le tirage la séquence AIENT. Il lui reste alors MOY pour conclure facilement car il a appris les petits verbes avec les lettres chères ou qu'il a simplement déjà rencontré le verbe MOYER dans une partie antérieure. « Ah lui au moins utilise ses connaissances linguistiques ! » me direz-vous. Est-ce bien si sûr ? Son raisonnement est-il si différent de l'autre ? Il n'a pas mémorisé tous les mots de huit lettres, seulement les terminaisons des différentes conjugaisons (elles ne sont pas si nombreuses). Mais lui importe-t-il qu'elles soient la marque du futur, du passé simple ou du subjonctif imparfait ? Je ne veux pour en douter que le nombre de zéros distribués pour rajout intempestif d'un T à un futur en ERA...

J'exagère ? Certes. La très grande majorité des scrabbleurs aiment manipuler la langue française et connaître la signification des mots qu'ils emploient. C'est d'ailleurs pour la plupart une aide importante à la mémorisation du vocabulaire. Mais cet aspect affectif, s'il est important pour le plaisir du jeu, n'est pas déterminant en ce qui concerne les résultats. Il y a aussi dans ce jeu une part purement mécanique, dont l'importance varie d'un joueur à l'autre, mais qui est toujours présente. Et c'est elle qui fait la différence, ce qui explique que l'on trouve essentiellement des scientifiques parmi les meilleurs joueurs.

C'est pourquoi je pense que Nigel Richards et nous jouons bien au même jeu. Il a simplement poussé à l'extrême la logique d'efficacité que nous essayons tous d'appliquer de manière imparfaite, exactement de la même manière qu'il le fait pour le Scrabble anglophone. Ce n'est pas une différence de nature, juste de degré.


Pour ceux qui s'intéressent à ce phénomène du Scrabble, un article (en anglais) ancien mais fort intéressant : http://www.thelastwordnewsletter.com/Last_Word/Archives_files/TLW%20September%202011.pdf page 35